Kappa Alpha Thêta dans la peau |Zéliiis

Récemment, j'ai reçu un défi, celui de me faire tatouer les symboles de ma maison. Et en soi, c'est un défi qui me correspond plutôt très bien. D'abord, parce que j'ai tellement de tatouages que je regrette, que j'en suis plus à un près. Et ensuite, parce que je suis tellement fier des Kappa Alpha Thêta qu'en fin de compte, je ne risque pas de regretter ce tatouage-là avant un bon moment. Enfin, ça pourrait arriver, mais pas avant quelques années. Et puis, c'est pas comme si j'allais couvrir mon dos de trois caractères, non. Ce sera un petit tatouage discret, juste derrière l'épaule. J'ai même pas de quoi stresser, sachant en plus que je connais le tatoueur : il m'a déjà recouvert pas mal de conneries sur le bras avec une belle geisha et une carpe koï.
J'ai proposé à Zélie de m'accompagner, pour l'occasion. Je sais qu'elle est toujours partante pour ce genre de choses, alors c'est la personne idéale pour me tenir compagnie. Et puis, si elle est ici, à côté de moi à m'attendre, ça veut dire qu'elle est pas à l'autre bout de New York à se sniffer un rail de coke ; ce qui me rassure un petit peu.
Après avoir montré les trois lettres au tatoueur, je prends place et retire mon t-shirt. J'en profite pour lancer un regard lubrique à Zélie, histoire de déconner un peu. Ne profite pas trop de la vue coquine, je fais en riant. Enfin pour le coup elle fait ce qu'elle veut, faut bien qu'elle s'occupe le temps que je souffre.

J'avais presque oublié à quel point Zélie est surexcitée parfois. L'amener ici, c'est comme amener une fillette à la fête foraine, ça touche à tout et ça tient pas en place. Mais contrairement à Zélie, une fillette me se lècherait pas les lèvres aussi frénétiquement en me regardant. Ce regard de psychopathe en chien, j'te jure, on dirait presque un voisin qu'on avait à Dublin quand j'y vivais encore. Et c'est vraiment pas un compliment ahah, le gars était taré et il sentait jamais bon, même de loin. Du coup, il me faut pas deux secondes avant d'exploser de rire en entendant sa voix perverse là. C'est beaucoup de travail tu s- aaaouh Ouais, je me fais bien vite calmer par l'aiguille du dermographe qui vient directement se planter dans mon omoplate. Je fronce un peu le nez, je serre les dents, et me rends vite compte que c'est pas tant que ça la mort. J'ai vécu pire, honnêtement. Je vais même sûrement vivre pire dans peu de temps, en fait. Oui, parce que la blonde s'est visiblement mis en tête que ce serait une bonne idée de faire mon tatouage elle-même. Genre, vraiment. Elle s'approche et demande au tatoueur si elle peut. Euh. Même lui est surpris, tellement qu'il met sa machine en pause, un peu sur le cul. Les yeux écarquillés, j'alterne entre Zélie et son regard tout mignon, et le tatoueur qui se met à rire. Non mais rigole pas, on parle d'un truc qui va rester dans mon dos à vie là quand-même.
Oh et puis, faut savoir vivre un peu aussi. Je déglutis un coup, et après mûre réflexion je me dis que ça peut pas être pire qu'autre chose. Au pire, je connais le gars, si c'est juste un trait qui part en couille, il pourra rattraper la merde. Mais faut que ce soit juste un trait ou deux quoi, pas plus. Soyons fous mais restons raisonnables quand même hein, ça reste de l'encre sous ma peau. Je croise alors le regard du tatoueur et hausse les épaules, comme pour acquiescer, pas super serein pour autant mais bon. Et il est pas chiant, alors il accepte à son tour. Tu veux essayer ?, qu'il demande à Zélie, d'un ton assez ironique. J'te jure, tu vas te retrouver avec la coupe de Skrillex si tu me foires par contre, j'annonce la couleur. Ooouh je sens que je vais regretter.

Zélie n'en revient pas que je la laisse me tatouer. Moi non plus j'en reviens pas. Pourquoi j'ai accepté, au juste ? Si je lui avais dit non, le tatoueur aurait dit non aussi parce que c'est pas hygiénique ou quoi que ce soit et ce serait passé crème. Mais non, il a fallu que je sois un gars ultra sympa et que le tatoueur soit un gars ultra pas regardant sur la propreté de son salon. Bien joué l'idiot, maintenant tu vas avoir de la merde dans ton dos, ça va être sympa. La voilà en plus qui me nargue en faisant claquer ses gants et en me jetant un regard tout sauf rassurant. Bien comme il faut pour se sentir à l'aise quoi, on adore. T'es prêt ?! me demande-t-elle. Euh. Ça fait quoi si je réponds non ? Ah ben je n'ai même pas le temps de dire quoi que ce soit, qu'elle se lance déjà à corps perdu dans sa nouvelle passion. Je serre la mâchoire sous l'inquiétude, mais au final ça va, ça picote à peine. Elle doit pas aller bien profond, c'est déjà ça. Cela dit, j'ai comme l'impression qu'elle ne s'arrête pas aux trois caractères. Attends, qu'est-ce que tu fous ?, je demande. Non parce que je commence à m'inquiéter, j'ai signé pour trois trucs, pas six. Et elle, elle continue sur le sujet Skrillex et me sort que même avec sa coupe elle serait bonne. T'as pas tort Zélie, même avec la coupe de Titeuf tu serais bonne, mais ne change pas de sujet veux-tu. Je n'ai pas franchement envie de finir avec une teub tatouée sur l'omoplate.
Au moment où elle décide de s'arrêter, j'entends le tatoueur qui rigole. Ah ouais, non mais c'est pas bon signe ça. De plus, je sens comme une pointe d'ironie quand elle parle d'"œuvre d'art". Je la fixe d'un air accusateur pendant un long moment, puis décide de me lever et d'aller admirer l'ampleur des dégâts dans le miroir. La tension est à son comble et l'inquiétude la suit de très près. Une fois devant le miroir, je me contorsionne un peu et découvre sa connerie. Oh non t'es sérieuse, t'as pas fait ça..., je lance avec une soudaine envie de mourir. La morue, elle m'a rajouté un < ΛN. Il est tout petit, certes, mais il est là le bordel. J'te hais putain, j'ajoute, un rire nerveux en prime. Je me retourne vers le tatoueur et lui demande s'il peut rattraper l'immondice, et lui il me répond "je vais voir ce que je peux faire." Ça me suffit pas comme réponse ça, j'ai besoin d'être rassuré hein, eh j'suis pas venu ici pour souffrir ok ? Je repars me poser sur le siège et le gars reprend son boulot. J'espère que tu tiens pas trop à tes cheveux Goldberg. J'espère aussi que mon ton menaçant est efficace, faut la faire culpabiliser la blonde. Plus jamais je lui fais confiance, c'est fini.